Un nouveau danger guette l’économie nationale, Saied veut dépénaliser les chèques sans provision

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Un nouveau danger guette lconomie nationale, Saed veut dpnaliser les chques sans provision

Un des projets de loi qui tiennent au cœur du président Kaïs Saïed est celui de la modification de l’article 411 du code du commerce relatif aux chèques sans provision. Le chef de l’État ne veut plus que les émetteurs de chèques en bois aillent en prison et parle d’expériences comparées à l’étranger. Si cette loi passe, l’économie nationale risque d’en pâtir gravement.

Kaïs Saïed est connu pour dire et répéter les mêmes choses dans ses discours et ses communiqués nocturnes. La question de l’article 411 du code du commerce, relatif aux chèques sans provision fait partie de ces choses qu’il dit et répète.

Ainsi, il a évoqué l’article 411 pas moins de cinq fois au cours des six derniers mois. Le 23 mai, le 9 juillet, le 10 novembre et le 15 novembre avec Leïla Jaffel sa ministre de la Justice et le 24 octobre avec son chef du gouvernement Ahmed Hachani. C’est dire si le président de la République est insistant pour faire passer ce texte qui, paradoxalement, a du mal à passer ! C’est quand même bizarre qu’un président de la République soit obligé de revenir sur le sujet cinq fois en six mois, sans qu’il n’obtienne de résultat palpable et que le projet de loi soit présenté à l’assemblée.

L’article 411 du code du Commerce mentionne : « Est puni d’un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d’une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision à condition qu’elle ne soit pas inférieure à 20% du montant du chèque ou du reliquat de la provision ».

Si le président tient à la modification de cet article de loi, c’est qu’il y a une véritable campagne sur les réseaux sociaux, notamment sur les pages qui lui sont réputées proches, pour la dépénalisation des chèques sans provision. Dans ces pages, on tente de convaincre l’opinion publique que les émetteurs de chèques en bois sont de pauvres victimes du système, des honnêtes gens passés par des circonstances dramatiques exceptionnelles, que le fait de les mettre en prison ne résout en rien le problème de leurs victimes, etc. On présente également des chiffres extravagants et sans sources prétendant qu’il y aurait actuellement huit mille émetteurs de chèques sans provision en prison. On y diabolise les banques et les lobbys et on y victimise les émetteurs de chèques en oubliant les vraies victimes que sont les bénéficiaires de ces chèques.

En insistant sur la révision de l’article de loi 411, Kaïs Saïed agit comme à son habitude, par populisme sans expertise profonde sur le sujet. Il parle carrément d’expériences comparées à l’étranger où le chèque sans provision aurait été pénalisé, sans pour autant citer un seul pays.

Loin des intox facebookiennes, ce qu’il faut savoir est que le nombre de prisonniers pour chèques sans provision est loin des milliers cités par les aficionados de Kaïs Saïed. Il a été de 415 prisonniers en février 2022, selon le procureur de la République interviewé sur la chaîne publique El Wataniya 1 le 17 février 2022 et cité par le journal public La Presse en date du 16 mars 2022. Depuis, on n’a pas de chiffre exact, mais il est difficile de croire que le nombre est passé de 415 à 8000 en l’espace d’un an.

Et si le nombre n’a pas cru autant, c’est parce que les tribunaux sont des plus cléments et des plus compréhensifs en ce qui concerne ce crime.

Un avocat bien au fait du sujet témoigne pour Business News. Entre le moment où une personne émet un chèque sans provision et son incarcération, s’écoulent plusieurs mois, souvent deux ans.

L’émetteur du chèque sans provision est d’abord averti par sa banque qui lui laisse un délai de plusieurs jours, voire quelques semaines. Une fois la victime dépose plainte, il s’écoule plusieurs mois avant que le dossier ne soit devant une cour. Devant la cour, la victime multiplie les demandes de report d’audience et la cour répond systématiquement par la positive dès lors qu’elle s’aperçoit que l’émetteur du chèque fait preuve de bonne foi et montre sa disposition à régulariser sa situation. Si, au bout de ces nombreux mois, l’émetteur du chèque n’a toujours pas régularisé sa situation et honoré ses engagements envers ses victimes, il est condamné en première instance. Mais toutes les cartouches ne sont pas pour autant épuisées. Il peut interjeter appel et il bénéficiera systématiquement de plusieurs autres mois et de plusieurs nouveaux reports. On est facilement déjà dans un délai de deux ans entre le moment de la rédaction du chèque en bois et le verdict en appel. À chacune de ces étapes, quel que soit le moment, l’émetteur du chèque jouit de sa liberté et voit toutes les procédures judiciaires annulées (et libéré s’il a été déjà emprisonné en première instance) dès lors que sa victime abandonne les charges. Les juges tunisiens distinguent clairement l’erreur naturelle de l’escroquerie malveillante.

En Tunisie, dans les faits, le chèque a été dénaturé de sa fonction première. Il est devenu un moyen de garantie pour les uns et d’arnaque pour les autres. Des milliers de personnes le délivrent alors qu’ils n’ont pas les fonds nécessaires en tablant sur de l’argent à venir, mais qui ne vient pas. Des centaines l’utilisent à tort et à travers pour obtenir de l’argent frais au détriment de leurs victimes.

Contrairement à ce qui est prétendu, les personnes vraiment de bonne foi ne vont jamais en prison puisqu’elles ont la possibilité de régulariser leur situation rapidement. Ceux qui vont en prison sont les personnes qui ont émis plusieurs chèques avec des montants faramineux et qui se trouvent dans l’impossibilité de les régulariser durant les temps offerts par le système judiciaire tunisien.

Ceux qui en pâtissent le plus ce sont les commerçants et les industriels qui ont vendu des marchandises sans recevoir leur légitime contrepartie. Ces personnes ont été arnaquées et c’est à eux que doit penser obligatoirement le législateur car ce sont eux qui font l’économie nationale, la croissance et la création d’emploi.

À ce discours, les partisans de la dépénalisation évoquent le cas des chefs d’entreprise victimes d’une conjoncture malheureuse, comme les hôteliers ou les agriculteurs qui ont eu une mauvaise saison ou les prestataires que l’État n’a pas payé. Ces cas sont bien réels et sans aucun doute dramatiques. Sauf que voilà, ils n’avaient pas à dénaturer la fonction première du chèque en l’utilisant comme moyen de garantie ou d’un paiement différé. Un chèque ne doit être émis que si son titulaire a DÉJÀ les fonds nécessaires sur son compte. Le chèque n’est pas un instrument de crédit puisqu’il est payable dès son émission.

Si l’émetteur a des circonstances exceptionnelles, un défaut de paiement d’un de ces clients, c’est aux banques de le financer via des crédits de circonstance. Elles sont faites pour ça et elles le font puisqu’elles gagnent beaucoup d’argent avec ces crédits et ces découverts. Dès lors qu’un commerçant ou un industriel présente les justificatifs nécessaires (factures en instance, contrats…) et ses états financiers bien en règle, la banque lui accorde des crédits allant jusqu’à 30% de son chiffre d’affaires, sans garantie aucune.

En dépit de l’article 411 liberticide et ses cinq ans de prison pour chaque chèque émis, les émetteurs de chèques sans provision de mauvaise foi continuent à sévir et à faire des victimes. Dépénaliser les chèques sans provision revient à dire à faire sauter le seul et unique moyen de dissuader ces personnes de mauvaise foi.

Ce serait rompre le contrat de confiance qu’il y a entre les citoyens quant à la solvabilité de ce document et mettre à pied d’égalité le chèque et la traite. La traite, cet autre moyen de paiement, est souvent refusée aujourd’hui par les commerçants car, justement, elle n’est pas solvable aux yeux de beaucoup puisque son défaut de paiement n’est pas sanctionné de prison.

Plusieurs défenseurs de la dépénalisation, à leur tête le président de la République, évoquent les expériences comparées. Et il s’avère que la Tunisie est loin d’être l’unique pays à sanctionner de prison les personnes de mauvaise foi.

En France, toute personne qui se rend volontairement insolvable après l’émission d’un chèque sans provision ou continue d’émettre des chèques malgré une interdiction bancaire se rend coupable d’un délit. La peine encourue est de 375.000 € d’amende et cinq ans de prison (articles L .163-2 et L.163-7 du Code monétaire et financier).

Au Canada, on assimile l’émission d’un chèque sans provision à de l’escroquerie et la sanction peut monter jusqu’à dix ans de prison (article 362 du code criminel).

En Belgique, dans l’article 509bis du code pénal, on sanctionne l’émetteur du chèque sans provision d’un mois à deux ans et d’une amende allant à 3.000 €.

Aux États-Unis, les lois varient d’un État à un autre, mais la peine de prison existe bel et bien puisqu’il s’agit d’une escroquerie, assimilée carrément à un crime fédéral dans certains cas.

Idem au Royaume-Uni qui prévoit des sanctions pénales, selon la Section 1 du Fraud Act 2006.

Raouf Ben Hédi

 

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