Les cent jours d’Ahmed Hachani

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Nommé le 1er août 2023, Ahmed Hachani vient de dépasser ses cent jours à la tête du gouvernement. Il a pris ses marques, il sait quelle est la nature exacte de son travail et il n’a plus de prétexte pour ne pas agir. Et pourtant, il n’agit toujours pas !

Mais que fait Ahmed Hachani ? À l’exception du président de la République, personne n’est capable de répondre à cette question. Après plus de cent jours passés à la Kasbah, Ahmed Hachani a encore du mal à briller et à faire parler de lui, sinon ces deux anecdotes qui lui ont généré les moqueries des Tunisiens suite à ses flagorneries à l’égard du chef de l’État quand il a dit le 15 septembre 2023, « le Président n’a pas son pareil »  et « Azizi Kaïs Saïed » le 4 octobre lors de son unique déplacement à l’étranger en Algérie.

Qu’a-t-il fait lors de ces cent jours, qui a-t-il rencontré, quelle est son opinion sur la déliquescence de l’économie nationale, quel est son avis sur les arrestations abusives et injustifiées, quel est son programme, qui sont ses hommes et ses femmes ? On n’en sait rien, Ahmed Hachani est atone !

Au bout de ses trente premiers jours, Business News a publié un article-bilan et a dressé l’ensemble des activités du tout nouveau chef du gouvernement. Deux mois plus tard, l’article demeure d’actualité. AhmedHa Hachani n’a toujours pas fait de discours au parlement, ne s’est toujours pas adressé au peuple (même pas via une interview), ne s’est toujours pas entretenu avec les principaux responsables de l’État (Conseil supérieur de la Magistrature, Banque centrale, Conseil du marché financier), ni avec les organisations nationales (UGTT, Utap, UNFT, Utica, Conect…), ni avec la société civile (LTDH, ATFD, OMCT…), ni avec les organisations professionnelles (Avocats, ingénieurs, journalistes, directeurs de journaux, médecins…).

Comment un chef du gouvernement peut-il gouverner un pays sans rencontrer et écouter les doléances et les propositions de toutes ces forces vives du pays sans qui rien ne se fait et rien ne peut se faire ?

Après cent jours, force est de constater qu’Ahmed Hachani n’a rien fait de ce que font, d’habitude, tous ses homologues du monde entier.

Le gouvernement qu’il dirige n’est même pas le sien, puisque la majorité des ministres ont été nommés par sa prédécesseure. Quant aux ministres limogés par Kaïs Saïed, ils n’ont toujours pas été remplacés, bien qu’il y ait urgence pour certains portefeuilles comme l’Industrie, l’Emploi ou l’Economie et la Planification.

Ce bilan, aussi étrange soit-il, ne devrait pas étonner quand on connait le personnage et quand on connait celui qui l’a nommé.

Avant sa nomination à la Kasbah, Ahmed Hachani était retraité après avoir été responsable des ressources humaines à la Banque centrale de Tunisie. Un poste totalement apolitique et étranger au monde financier. Durant sa retraite, ses seuls faits d’armes étaient des posts Facebook légers et sans consistance. Au mieux, il partageait des articles journalistiques intéressants (dont Business News).

En clair, il n’avait aucun contact avec le monde politique et on ne lui connait pas de relations étroites avec les composantes de la société civile, des partis, des organisations professionnelles et des forces vives en général.

Mais vu la nature de son portefeuille, il devrait commencer à en avoir sur le tard après sa nomination. Ce portefeuille ne lui donne pas le choix ! Et pourtant, il s’est interdit d’avoir des relations avec les acteurs de l’actualité socio-politico-médiatico-économique du pays !

Est-ce un choix et une politique nouvelle jamais expérimentée ailleurs dans le monde ? Vraisemblablement, ce choix lui a été imposé par le chef de l’État qui n’aime pas voir d’autres que lui « briller » dans le paysage.

Sa prédécesseure Najla Bouden avait exactement la même frilosité à l’endroit des forces vives du pays et a évité, comme la peste, les médias, les hommes d’affaires, les organisations professionnelles, etc.

Pour ce poste, et ceci est valable aussi bien avec Mme Bouden qu’avec M. Hachani, Kaïs Saïed veut un béni-oui-oui qui ne fait pas de vagues, voire qui ne fait aucun mouvement. Si Ahmed Hachani est atone, c’est parce que Kaïs Saïed le veut ainsi. Ou bien, c’est parce qu’il est atone qu’Ahmed Hachani a été nommé à ce poste.

Cette politique saugrenue fait que l’on ne trouve rien à enregistrer à son actif après cent jours à la Kasbah. Absolument rien ! Non seulement on ignore tout de lui, mais on ignore également tout de son cabinet dont la cheffe a été nommée le 10 novembre, à la date anniversaire des cent jours. Tout comme lui, Samia Charfi Kaddour est étrangère au monde politique. C’est une universitaire comme Kaïs Saïed et il n’est pas exclu que ce soit ce dernier qui serait derrière sa nomination.

Le résultat de cette politique est qu’on a un chef du gouvernement qui ne gouverne pas, qui n’a pas de politique, qui n’a pas de vision d’avenir, qui n’a pas de solutions concrètes pour le pays. Le seul qui doit avoir toutes ces prérogatives est le président de la République et uniquement le président de la République. Sans parti derrière lui, sans de véritables décideurs, sans de véritables matières grises pour réfléchir à ses côtés, Kaïs Saïed a érigé cette politique du vide en politique d’État. Il est, probablement, le seul président de la planète encore vivant à agir ainsi et à diriger son pays de cette manière. Ahmed Hachani doit rester, comme le reste des ministres, un fantôme caché dans l’ombre du président. Sa phrase épique prend tout son sens : « le Président n’a pas son pareil ».

Raouf Ben Hédi

 

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