La Tunisie, grande par son histoire, petite par sa géographie et lilliputienne par son travail. Elle est aux prises avec une crise économique, doublée d’un déficit de valeurs qui ne fait que s’exacerber. (Illustration : le centre-ville de Tunis est méconnaissable de saleté).
Par Moktar Lamari *
La Tunisie est grande pas son histoire mais petite de par sa géographie! Quand on rentre au pays, avec toute la nostalgie, on est saisi par la grandeur de Carthage, du Colisée d’El-Jem, de la chaussée romaine qui lie l’Île de Djerba au continent sur un pont qui date de l’ère romaine.
Quand on traverse le pays on est surpris de voir comment ce territoire sans grandes ressources a su façonner un paysage vert, où le relief est valorisé en château d’eau, pour intensifier les cultures dans un climat aride et en grande partie saharien et désertique.
Cela dit, le reste me choque à chaque fois! Le pays est aux prises avec une crise économique, doublée d’une crise de valeurs qui ne fait que s’exacerber.
Le travail est dépréciée
La valeur travail, comme le sens du devoir, sont à leur plus bas. Et cela se vérifie à tous les échelons et sphères des services publics. On traîne en longueur, on est trois pour le travail d’une seule personne, et encore, le résultat est plus frappant quand on examine les chiffres de la productivité et du rendement des fonctionnaires.
Le pays s’enfonce dans l’endettement, au lieu de se réformer et se restructurer pour ne pas décrocher et sortir des risques de plus en plus probables d’une banqueroute magistrale.
Pour les élites au niveau de l’Etat, ministres et hauts fonctionnaires, ce qui compte c’est le pouvoir, et tous les moyens sont bons pour s’y accrocher.
La ville de Tunis craque et se craquelle de partout, en ruine avancée. Les rues sont jonchées de poubelles, de saletés et d’ordures.
Les élites universitaires se flattent dans leur petit monde, et s’auto-congratulent, laissant faire, ne jouant pas leur rôle de mobilisateurs, de réformateurs et leaders transformateurs.
Les médias tournent aux clichés et à vide, ne jouant pas leur rôle de sensibilisateurs et d’informateurs neutres, objectifs et loin de tous soupçons.
La corruption est monnaie courante. A tous les niveaux, dans toutes les régions et dans tous les secteurs. Ici aussi, le système de corruption s’est incrusté dans les valeurs sociales et a pris la forme des valeurs et écosystèmes. Il y en a pour tous les goûts.
L’espoir est femme
Seul espoir, ces femmes paysannes qui s’exténuent pour ramasser les olives, travailler les champs alors que les hommes, jeunes et moins jeunes, s’attroupent dans les cafés et autour des stades de football, ne se rendant même pas compte de leurs bêtise et phallocratie qui, au lieu de reculer, s’inscrit dans le temps et dans l’espace.
Excusez le caractère brut de ce portrait de groupe. C’est toujours l’impact du choc quand j’atterris et que je suis à mes premières heures dans mon pays natal… que j’aime tant!
* Economiste universitaire.